20.6.13

De retour à Manille

De retour à Manille. Trois ans se sont écoulés depuis ma dernière visite. Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis, me dit Ronald, un ami philippin qui est venu me chercher à l’aéroport. Malgré les promesses électorales du président Aquino, en poste depuis 2010, l’élite oligarchique continue de se servir de l’appareil étatique à des fins personnelles et de monopoliser les institutions politiques à travers les structures caciques héritées de l’époque coloniale.

Vue de notre appartement à Quezon City, Philippines.
Malgré la persistance de cette triste réalité, une partie de moi persiste à croire qu’un jour, peut-être, la situation s’améliorera. C’est d’ailleurs la raison de ma présence ici; je suis fasciné par le dynamisme politique du pays qui s’incarne dans une société civile vibrante que j’ai découvert il y a de cela trois ans.

Lors de ce voyage, j’ai été exposé à ce milieu et j’ai été témoin des différentes méthodes employées par les activistes pour faire valoir leurs revendications. Le courage et la volonté de ces gens qui tentent, tant bien que mal, d’utiliser l’espace démocratique qui s’est ouvert depuis la chute du dictateur Ferdinand Marcos pour améliorer leur condition sociale et faire respecter leurs droits m’ont laissé une forte impression.

Ce qu’il faut savoir c’est que ce n’est pas une entreprise qui est dénuée de tout danger. Le gouvernement, et l’armée en particulier, mènent une lutte sans relâche contre les organisations populaires de gauches (ONG locales, grassroot organizations, people’s organizations, mass movements… les appellations sont nombreuses) dans le cadre de leur stratégie de contre-insurrection encouragée par les États-Unis. Assassinats extrajudicaires, kidnappings, torture, harcèlements, menaces et surveillance illégale font partie du quotidien des activistes qui sont accusés injustement d’être à la solde de groupes communistes rebelles comme le New People’s Army

Lors de ma dernière visite, je me suis contenté d’assister à cette lutte. Cette fois-ci, j’ai bien l’intention d’y contribuer, dans la mesure de mes humbles moyens. Je vous rassure tout de suite, il n’y a pas vraiment de réel danger pour moi qui ne suis qu’un pauvre blanc dont l’assassinat ou la disparition ne profiterait à personne. De plus, ce sont seulement les leaders des organismes ou les membres qui sont actifs depuis des décennies qui se font assassiner ou kidnapper.

J’ai décidé de faire un stage de deux mois avec un organisme qui défend les droits humains « Karapatan ». Ça fait seulement une semaine que je suis ici et déjà, je me suis habitué à l’environnement de travail et j’ai l’impression de contribuer à une cause qui en vaut vraiment la peine. Je mets ça sur le compte de l’optimisme naïf du novice. Mais tout de même, on se sent utile quand on est en train de rédiger une note d’information pour un délégué de l’Organisation Mondiale contre la Torture (un organisme accrédité par l’ONU, basé à Genève) qui sera en visite aux Philippines en fin juin afin de faire le bilan sur la situation des droits humains. En outre, ce stage est une excellente formation pour la préparation de mon mémoire de maîtrise qui portera sur les assassinats extrajudiciaires aux Philippines

J’habite dans un quartier populaire « Krus Na Ligas » situé à Quezon City, une des nombreuses agglomérations qui forment le Metro Manila. Je loge dans un appartement au 5ème étage d’une bâtisse avec six autres étudiants de l’Université de Montréal. Quatre d’entre eux tournent un documentaire sur une problématique donnée avec d’autres étudiants de l’Université des Philippines (UP). Un autre fait sa maîtrise sur un groupe paramilitaire appelé les CAFGUs et une autre fait un stage auprès de Likhaan, une ONG qui fournit des soins de santé aux femmes dans les communautés marginalisées. En une phrase: we’re having a blast.

Le matin, on part chacun de notre côté en tricycle (cliquez sur le lien, des fois on est cinq dans ces engins. Trois dans la cabine, deux sur le banc derrière le conducteur) ou en jeepney et on se revoit le soir après le taff.

Dans une semaine, les étudiants qui font le documentaire partiront faire leur terrain pour filmer pendant trois semaines. Mention spéciale à Tiago et Marie-Charles qui se rendent sur une île volcanique en état d’« éruption imminente ». En plus de cela, il y a de forts risques d’ouragans et d’inondations dans la région. Sans mentionner les cinq tremblements de terre par jour. Et les serpents extrêmement venimeux dans le lac du village où ils logeront. La bonne nouvelle? Absolument aucune possibilité d’avalanches de neige. More fun in the Philippines! (le slogan touristique national ).

J’ai plusieurs activités auxquelles je prendrai part dans les deux prochains mois mais je ne veux pas vendre la mèche tout de suite. Lire : « je suis tanné d’écrire, c’tassez là. ».

- Émile